La peur est avant tout un mécanisme de survie, elle invite à la prudence. Il y a différents types de peurs.
Les peurs fonctionnelles permettent de fonctionner de manière adéquate par rapport à notre milieu (la peur de se faire écraser incite à faire attention avant de traverser la rue) ; les peurs circonstancielles sont attachées à certaines circonstances (peur de l’eau, peur de prendre l’avion ou l’ascenseur…) et les peurs essentielles, plus profondes, sont enfouies, ce qui leur confère aussi un caractère permanent (peur du rejet, d’être humiliée, abandonnée…). On peut donc distinguer des peurs de surface dont on a conscience et des peurs plus profondes auxquelles on a plus difficilement accès.
Une peur peut en cacher une autre…
Ceux qui n’arrivent pas à négocier avec la peur vont se sentir écrasés par elle, dominés. Elle va contrôler leurs gestes, leur manière de s’exprimer et leur façon de penser. La peur est un mouvement de contraction aussi bien physique, morale, psychologique, affective, mentale et même spirituelle en s’accrochant à certains dogmes ou certaines croyances.
Ce mouvement de contraction est au départ un mouvement de protection. Ainsi par exemple, si l’on entend un bruit qui évoque un danger, on va se replier, se recroqueviller sur soi. Mais cette crispation si elle perdure, va empêcher la détente corporelle et le sentiment de liberté. C’est ainsi que la peur devient une prison et rend captif. Car cette contraction qui avait pour objectif de protéger, en devenant permanente, ne protège plus : elle paralyse et rend encore plus vulnérable.
Pour tenter de se libérer de cette prison des peurs, certains vont mettre en place des stratégies comme la somatisation. Le corps devient alors le réceptacle de la peur, une décharge qui peut aller se localiser à différents endroits selon les fragilités et les terrains favorables qu’elle rencontre : maladie digestive, de peau, mal de dos et même des pathologies bien plus graves.
Pour d’autres, la stratégie est de camoufler la peur en changeant sa nature. Ainsi la peur essentielle d’être abandonné ou de ne pas être aimé sera enfouie et barricadée derrière une peur de surface consciente et plus acceptable.
La femme yoyo a peur de grossir, elle en a conscience. Et même si cette peur domine et contrôle sa vie, elle en tire toutefois le bénéfice de ne pas être confrontée à la peur fondamentale issue du sentiment d’insécurité intérieure. Le problème avec ces stratégies que sont la somatisation ou le déplacement est que l’on perd le lien avec l’origine de la peur…
Une question de confiance en soi
La peur fondamentale et existentielle découle du simple fait de vivre. Elle remonte très loin, à la naissance. Au départ le bébé est en symbiose, en fusion totale avec son environnement. Peu à peu il va prendre conscience de son unicité, comprendre qu’il est une personne à part entière et se séparer de la mère. Une séparation qui s’effectue par étapes, mais pour que ce processus d’individuation se déroule de manière satisfaisante jusqu’à l’autonomie, le bébé puis l’enfant et l’adolescent doivent ressentir un sentiment de sécurité intérieure grâce à la confiance en leur environnement et en eux-mêmes.
Des parents trop inquiets, une maman en difficulté pour diverses raisons ne sont pas en capacité de créer le climat serein dont a besoin le bébé pour se sentir accueilli et rassuré. Il va ressentir une tension de base qu’il va garder en lui. Cette peur archaïque l’empêchera de devenir autonome. Il s’agit du sentiment d’insécurité intérieure qui nourrit une peur permanente.
La peur rend dépendant de l’environnement et du regard de l’autre. Elle prive du sentiment de se sentir vivant car on est alors dans la survie.Ce qui-vive permanent empêche d’être soi. Taire ce mal-être devient une croyance, car à cette peur essentielle s’ajoute celle d’être rejeté. Une souffrance qui entraîne également un sentiment de honte. La dépendance à l’environnement entretient la peur du rejet et de l’abandon et vice versa. La parole ne peut circuler lorsque les peurs du passé engendrent la honte et des croyances limitantes auxquelles on adhère totalement : “Je ne suis pas aimable…, je suis faible, timide…, je ne sais pas m’exprimer…, je ne suis pas à la hauteur...”.
Accueillir et identifier ses peurs pour s’en libérer
Pour passer de la survie à la vie, il va falloir affronter ses peurs. Tirer le fil, voyager dans sa mémoire. Comprendre le petit enfant que l’on a été, mais aussi les circonstances qui ont fait que l’environnement ne s’est pas révélé suffisamment attentif et protecteur. Faire le lien avec le personnage de survie auquel on s’identifie. La femme yoyo est un personnage de survie.
On comprend mieux alors sa quête de perfection, de reconnaissance, son côté excessif en tout ou rien mais aussi hypercontrôlant. sa fuite face aux émotions afin de ne pas être confrontée à cette peur archaïque et dévastatrice. La femme yoyo est persuadée que cette confrontation à la peur pourrait la dévaster. C’est bien sûr une croyance limitante qui l’emprisonne dans cette stratégie de survie qu’est le fonctionnement yoyo. Il ne la mène nulle part et l’empêche de vivre pleinement.
Ce personnage de survie donne l’illusion d’une protection en créant un écran. Mais il n’en est rien car il entretient surtout la dépendance, il mène à la destruction car il empêche d’être soi. Les personnages de survie auxquels on s’identifie sont multiples : les anxieux, les contrôlants, les ambitieux, les phobiques, les impuissants, les timides, les perfectionnistes… Tout comme la femme yoyo, ils créent un cadre pour circonscrire la peur archaïque et la camoufler derrière une peur de surface.
Il ne s’agit pas de ne pas ou ne plus avoir peur, mais au contraire de goûter à sa peur en dialoguant avec son personnage. Remonter à l’origine, à la source de la peur, retrouver la trace de la situation traumatisante (sentiment d’avoir été rejeté, honte, humiliation, maltraitance…).
L’amour de soi : la clé pour se libérer de la prison des peurs
Identifier la source de sa peur permet de démystifier les croyances du personnage. Ainsi vouloir tout contrôler ne rend pas plus puissant mais au contraire fragilise. Se montrer tel que l’on est, ne nous rend pas moins aimable…
Les croyances sont toxiques. Les comprendre, les analyser mène à leur anéantissement. Pour cela, il faudra s’accepter tel que l’on est. Et s’aimer. L’amour de soi débouche sur la confiance et l’estime pour soi-même. Alors les croyances limitantes en diminuant progressivement laissent la peur archaïque remonter à la surface avec l’inconfort et les tensions qu’elle traîne derrière elle. La peur ne se négocie pas une fois pour toute mais au quotidien, petit à petit. En acceptant que parfois la vie soit moins confortable…
Sortir de la prison des peurs ne mène pas au confort permanent mais à la liberté et au sentiment de se sentir vivant. Etre bienveillant et bon avec soi, s’accepter est la clé pour se libérer de la prison des peurs… Et admettre qu’il n’y a pas de vie sans peur, en raison de sa finitude sans doute car, au moment du bilan final, se dire que l’on a réussi à être soi sera la plus grande des satisfactions. Celle d’avoir goûter à la vie.